XCIX

 

 

    Quoique… voilà Sylmort de Leonbinetos qui s’approche de moi avec son ventre proéminent dans lequel grouille des futurs petits Nomis…

    Ah, mais ça ne va pas du tout, ça ! J’ai rien demandé ! Je suis trop jeune pour avoir des enfants ! Qu’on m’en reparle dans cinquante ans. Minimum.

    – Fini les conneries, qu’elle me dit. Tu me signes le papier de reconnaissance des gosses et tu assumes tes responsabilités. Rien n’est plus important que des enfants, à qui il faut apporter un environnement équilibré, qu’ils soient élevés par leurs deux parents qui se doivent de former un binôme soudé, à toute épreuve, pour le meilleur et pour le pire.

    – Mais…

    – Bien entendu, on se mariera, et je veux une robe de princesse pour l’occasion.

    – Je…

    – Nous achèterons un appartement dans les plus étages de Coruscant, vaste penthouse dont les voisins ne seront que des gens bien : diplomates, officiers supérieurs, PDG de multinationales galactiques.

    – En fait…

    – Je veux un chien, un mini-nexu, un panda vert et un speeder familial.

    Mais pourquoi vert, le panda ? que je me demande en moi-même, sans avoir le temps de poser cette question à voix haute car Sylmort enchaîne.

    – Nous aurons une vie équilibrée, nous mangerons des légumes à tous les repas, nous nous inscrirons au club de fitness et de remise en forme le plus proche de chez nous – de préférence un club privé, pour ne pas nous mélanger à la plèbe –, et bien entendu l’été pour partirons en vacances à la mer et l’hiver à la montagne.

    Je sens les mâchoires de l’étau d’un piège mortel se refermer sur moi au fur et à mesure qu’elle parle. Ça a l’air pire que d’être enfermé à perpétuité dans la cellule d’une prison, son truc ! Au secours ! Réagis, Cirederf ! Ton avenir dépend de ta réponse ! Réponds n’importe quoi mais réponds !

    – Et si je te refile une des planètes de mémé, tu me lâches la grappe et tu te débrouilles toute seule avec les gosses ?

    Dès que j’ai fini de prononcer, je comprends avoir commis une erreur mortelle : vu le discours qu’elle vient de me tenir, je sais qu’elle ne se laissera pas corrompre. Si elle tient que ça à une vie équilibrée avec le futur père de ses futurs enfants, ce n’est pas en lui faisant miroiter des richesses qu’elle va déroger à ses principes, parce qu’ils ont l’air vachement bien ancrés en elle. Il me semble évident qu’elle est du genre à mourir pour ses convictions, sans jamais y déroger une seconde ! En fait, je crois que je l’admire pour ça.

    – Va pour la planète, et je te fiche la paix, répond-elle pourtant en haussant les épaules.

    Ah, elle cède si vite ? J’aurais cru que… bon bah non, alors. Quelque part, c’est décevant, mais d’un autre côté, à sa place, j’aurais fait exactement le même choix rationnel.

    – Impeccable, alors, que je souris.

    – Oui. Hum… Devenir riche d’une planète mais encombré par des triplés, ça risque de pas être top pour mener une vie de jet-setteuse richissime et sans responsabilité. Donc on est bien d’accord que contre la planète, jamais tu ne t’occuperas de tes gosses ni même ne voudra les voir ?

    – Bien sûr qu’on est d’accord ! D’ailleurs, « bébé » et « boulet » ça commence par la même lettre. Coïncidence ? Je ne crois pas !

    – Parfait. Du coup, dès leur naissance, je m’en débarrasserai en les proposant à l’adoption. En plus ça me feras encore un peu plus de sous.

    – Tu fais bien, Sylmort, que j’approuve énergiquement. À ta place, j’aurais fait la même chose !

    Décidément, je crois que je l’aime bien, cette femme…

 

    Me reste une dernière chose à faire. J’emprunte le communicateur de Sylmort pour appeler mon maudit patron, cette enflure de Smaugh Eskolar. Parce que bon, toutes ces aventures m’ont laissé sur les rotules, il me faut du repos. Beaucoup de repos !

    Ouf, il décroche rapidement. Je me lance :

    – Salut Smaugh, c’est Nomis !

    – Mais… tu es encore en vie, toi ? Comment c’est possible ?

    – Rassure-toi, tout est bien qui finit bien : j’ai réussi à m’arranger avec tout le monde, tout est pardonné a été validé par l’Empereur Palpatine lui-même. Elle est pas belle la vie ?

    – J’ai connu meilleures nouvelles, qu’il me répond sèchement. Qu’est-ce que tu veux ?

    – En fait je suis claqué, avec toutes ces péripéties, aussi je t’annonce que je prends toutes mes vacances d’un coup, là maintenant tout de suite. Je l’ai bien mérité !

    – Hum… Tu en es sûr ?

    – Avec tout ce qui m’est arrivé, oui, j’en suis certain !

    – Nan mais je veux dire, ce qui t’es arrivé, je m’en fiche. Moi, je suis ton patron, à savoir le rédacteur de la Tribune Impériale. Donc en tant que ton patron, la seule question que j’ai à te poser c’est « Est-ce que tu as pu interviewer Ancor Niedy, la généticienne et cunicultrice qui élève des lapins sur la fourrure desquels apparaît le sigle de l’Empire en vert fluo la nuit ?

    – Tu penses bien que non ! Avec tout ce qui m’est tombé dessus, je…

    – D’accord. Tu as tes vacances.

    – C’est vrai ?

    – Bien sûr, je ne suis pas un monstre. De très très longues vacances !

    – Finalement, t’es plutôt sympa, Smaugh !

    – Ouais, hein ! Aussi longues que tu veux, les vacances, parce que t’es viré ! MOUHAHAHAHAHAHA !

    – Hein ? Quoi ?

    – Bah oui ! Tu ne m’apportes pas l’article pour lequel je te paye, donc je te vire pour faute lourde !

    – Mais enfin, tu ne peux pas faire ça, c’est dégueulasse !

    – Tu n’aurais pas fait la même chose à ma place ?

    – Si, bien sûr, mais ça n’a rien à voir !

    À ce moment, je réfléchis.

    – Bon, d’accord, ça a tout à voir, et oui, j’avoue, j’aurais fait la même chose.

    – Donc sans rancune, mon cher enfoiré d’ex-collègue ?

    – Sans rancune, sale arriviste.

 

    Allons bon, me voilà chômeur. Mais comme dit le vieil adage ancestral que j’invente à l’instant, vaut mieux être chômeur que mort. Et puis je suis Cirederf Nomis, le grand, le génial, l’inénarrable, l’inébranlable ! Je me relèverai, encore plus fort, encore plus grand, encore plus intelligent ! Même si je doute que sur ce tout dernier point, il soit possible d’aller au-delà : je suis déjà tellement au top !

 

    C’était votre serviteur (enfin ça, c’est juste une formule convenue, hein, ne le prenez pas – jamais ! – au pied la lettre) Cirederf Nomis, ex-journaliste de la Tribune Impérial, qui vous salue bien bas.