Manéguen

 

 

    Les hauts Savoyards se la pètent alors leur Mont Blanc, plus haut sommet d’Europe occidentale, blablabla. Mais en fait c’est quoi leur Mont Blanc ? Remettons les choses à leur juste place : c’est juste un caillou. Avec de la neige dessus. Point.

    Tous les ans, y’a des gens qui y grimpent, parce que c’est trop la classe, défi, sport, toussa. Non mais attends ! Une fois que t’es tout en haut, il se passe quoi ? Tu squattes le premier bistrot venu pour fêter ça avec les potes et quelques bonnes bouteilles de champagne ? Bah non. Et pourquoi non ? Parce que là-haut… y’a rien !

    Rien ! T’es au sommet de ton caillou avec de la neige dessus, tu regardes autour et tu vois quoi ? Plein d’autres cailloux avec de la neige dessus. Quel intérêt ? Sans compter que parfois, genre tous les ans, la neige sur laquelle tu marches se transforme en avalanche. Non mais c’est quoi ce truc de maso, sans déconner ?

    Et si comme moi, tu es Breton et que tu veuilles te rendre au Mont Blanc, t’y passes la journée ! Tu prends le train, gare de Lorient, direction Montparnasse. Quatre heures ! De là, taxi jusqu’à la gare de l’Est. Bah oui, je ne prends pas le métro à Paris, c’est trop un cloaque tentaculaire pour moi. Même avec un GPS, je me perds. C’est juste que je sais plus vite quand je suis perdu, et où je suis. Ce qui ne veut pas dire qu’en deux coups de cuillères à pot, je vais retrouver ma route. C’est trèèèèèès compliqué. Donc taxi, et donc gare de l’Est.

    De là, t’attends une heure ton train pour Lyon. Bam, deux heures de trajet de plus dans les dents. À Lyon, deux heures d’attente de plus pour le train qui va t’amener à Chambéry. Et re-bam, une heure de car pour arriver au point du Mont Blanc. Là, enfin, tu peux aller pioncer direct parce qu’est super naze de ta journée, t’as mal partout et tu pues. Bien entendu, ce phénomène se reproduit lors du retour. Moralité, si tu y vas une semaine, t’as déjà perdu deux jours dans les transports.

    Et comme tu as respiré de l’air pur montagnard pendant une semaine, dès que tu es rentré au pays tu te payes un rhume ou une bronchite parce que ton corps de Breton, super mesquin, te dit « Ah ! Ah ! Tu as voulu fuir, pauvre fou ? Et bah tiens, pour ta peine mange dans ta face toute l’humidité de la région, mouhahahaha ! »

 

    Alors si on est Breton et qu’on veut aller jusqu’au Mont Blanc, mais que c’est vraiment trop la galère tant qu’on n’a pas inventé la téléportation, on n’y va pas, alors, me demanderez-vous ? Bien sûr que si qu’on y va ! On va se gêner, tiens ! Il existe un vieux proverbe ancestral breton, que je viens d’inventer, qui dit que « Si tu ne vas pas au Mont Blanc, le Mont Blanc viendra à toi ».

    Et ouais. Parce que les Savoyards ont beau faire les malins avec leur Mont Blanc, qu’ils sachent que nous autres Bretons n’avons pas un Mont Blanc, mais plein ! Et qu’ils en profitent bien, de leur caillou avec de la neige, parce qu’aux dernières nouvelles, sa hauteur baisse d’un mètre par an. Vu qu’il fait 4 800 mètres, j’en connais qui feront moins les malins dans 4 800 ans. Mouhahahaha bis !

    Quoi ? J’en vois qui tiquent à cause d’une de mes phrases, celle où je dis qu’en Bretagne y’a plein de Monts Blancs ? Et bah oui, désolé de vous gâchez le plaisir mais c’est vrai. Par chez moi, Mont Blanc se traduit par Mané Guen, ou Ménéguen, et quelques autres variantes. Ça vous la coupe, hein ?

 

    « Mané » c’est « Mont », comme dans « Manégoulanec », non loin de chez moi, petit hameau au sortir duquel un jour j’ai failli m’emplafonner dans une vache errant sur la route (trop dangereuse, la vie à la campagne). Et « Guen » ou « Gwen » c’est « Blanc », comme dans les prénoms Gwendal ou Gwenaëlle, et comme dans le « Gwen ah Du » (« Blanc et Noir »), nom du drapeau régional et qui, comme son nom l’indique, est blanc et noir (quel manque d’imagination, ces Bretons !).

    La multitude de « Manéguen » et autres « Ménéguen » en Bretagne, ça donne une chapelle bâtie en 1577 sur l’actuelle commune de Guénin (56 150), qui culmine à la hauteur vertigineuse (du moins à l’échelle de la Bretagne) de 155 mètres. Et comme le Breton est… pardon, fut (on a changé depuis, si si, je vous jure) un gros barbare en son temps, on trouve à un kilomètre de cette chapelle un lieu nommé « La pierre du sacrifice de Manéguen », où nos bons vieux druides sacrifiaient peut-être des gens. Et comme on est aussi civilisés, il y a une belle aire de pique-nique au bord de l’eau non loin de là.

    Plus intéressant, un lieu que tous les Parigots, ainsi que tous ceux qui ne vivent pas au bord de la mer, nous envient : la plage de Mané Guen, à Plouharnel (56 340). Au programme au choix : baignade, bronzette, char à voile, kitesurf, surf tout court, noyade (ah non, on va éviter cette dernière activité autant que faire se puisse, en fait…).

    Qui dit Bretagne dit crêpes, donc vous trouverez aussi une crêperie « Le Maneguen » à Lorient (56 100), et comme y’a pas que les crêpes dans la vie, même si on est Breton, il nous arrive de manger autre chose. Genre dans des restaurants plus classiques comme « Le Manegwen » à Locmaria-Grand-Champ (56 390).

    Et parce que c’est trop la classe, on va aussi mentionner Paul du Vergier, seigneur de Meneguen en 1668, sénéchal de la juridiction d’Hennebont et conseiller du roi, s’il-vous-plaît. Et oui, ça ne rigole plus quand on sait que c’est l’époque du quatorzième Louis.

    Ça donne aussi une superbe rue du Maneguen, rectiligne comme tout, à Caudan (56 850), sur laquelle on va vite passer parce qu’il n’y a rien à y voir et qu’en fait, elle est assez moche.

 

    Alors franchement, entre le Mont Blanc savoyard et les monts blancs bretons, pas d’hésitation : venez en Bretagne ! Même Dieu et ses proches ont plein de villégiatures en Bretagne, mais ça, j’en parlerai une autre fois…